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vis-à-vis de la musique de Rossini. La mélodie de Rossini détermina le caractère du poëme de Tancrède, absolument comme la mélodie de Weber détermina le Freischütz de Kind, et Weber ne fut ici que ce que Rossini était là, avec cette différence que l’un se montra noble et sensé, tandis que l’autre resta frivole et sensuel[1]. Seulement Weber, pour accueillir le drame, avait les bras d’autant plus grands ouverts, que sa mélodie était la langue du cœur, vraie et sincère ; tout ce qui se réfugiait en elle était bien gardé et à labri de toute altération. Mais ce que cette langue, malgré toute sa vérité et à cause de son caractère limité, ne pouvait exprimer, Weber s’efforça vainement de le produire. Son bégayement constitue l’aveu sincère de l’impossibilité où se trouve la musique d’absorber en elle le drame, le drame réel, même le drame fabriqué pour elle. Car c’est, au contraire, la musique qui doit raisonnablement se fondre dans le drame.

Mais continuons l’histoire de la mélodie.

  1. Ce que j’entends par « sensuel », c’est ce que fera comprendre l’exclamation d’un public italien qui, ravi du chant d’un eunuque, s’écria : « Béni soit le petit couteau ! »
    (Note de l’auteur.)