Page:Charnay Désiré Aventures d'une famille en voyage 1898.djvu/35

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

s’ébattait une troupe de grands singes. À l’approche des voyageurs ils s’étaient tus, tandis que, revenu de son émotion première et comme honteux de sa panique, d’Artagnan aboyait avec fureur. Les singes, surpris et stupéfiés à leur tour, regardaient le chien, puis, jugeant les visiteurs inoffensifs, commencèrent à se mouvoir dans les postures les plus diverses, se suspendant à leurs longues queues et s’élançant d’un bond à des distances considérables. Il y avait des femelles avec leurs petits ; on était en famille et l’on causait.

François, ravi, regardait de tous ses yeux ; mais Sulpice le tenait à l’écart, de crainte d’un incident, qui, du reste, ne tarda pas à se produire.

Agacés sans doute par les aboiements du chien et se croyant maîtres de la situation, les singes se mirent brusquement à briser des morceaux de branches qu’ils lancèrent avec violence sur leurs visiteurs. La guerre était déclarée. Bénito fut touché.

« Ah ! malditos, s’écria-t-il, c’est ainsi que vous recevez des amis ! Attendez, vilaines canailles. » Et, mettant en joue l’un des plus gros parmi les assaillants, il tira et l’animal tomba. D’Artagnan s’élança sur le blessé, qu’il acheva non sans peine.

Quelques-uns des membres de la troupe firent mine de s’élancer à la rescousse de leur malheureux compagnon ; ils se laissèrent glisser jusqu’à mi-hauteur des arbres qu’ils habitaient, et Sulpice crut à une attaque sérieuse. Mais là s’arrêta leur démonstration belliqueuse, et, jugeant prudent de ne pas intervenir, ils remontèrent dans leurs hautes habitations.

« À mon tour, Bénito ; donne-moi la carabine, dit François. — Tire un mâle, Pancho, fit Sulpice en lui désignant l’un des grands singes, et vise bien. » L’enfant tira, et le singe blessé s’affala sur la branche qui le soutenait, puis il ouvrit les bras, et Pancho crut qu’il allait tomber, mais de sa longue queue prenante il avait saisi la branche, et, quoique mort peut-être, if resta suspendu dans les airs. « Faut-il tirer de nouveau pour le faire descendre ? demanda François à Sulpice.

— Inutile, mon Panchito, inutile ; il est pris et ne tombera pas ;