Page:Chateaubriand - Œuvres complètes - Génie du christianisme, 1828.djvu/224

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Chapitre I - Que la Mythologie rapetissait la nature ; que les Anciens n’avaient point de poésie proprement dite descriptive

Nous avons fait voir dans les livres précédents que le christianisme en se mêlant aux affections de l’âme a multiplié les ressorts dramatiques. Encore une fois, le polythéisme ne s’occupait point des vices et des vertus ; il était totalement séparé de la morale. Or, voilà un côté immense que la religion chrétienne embrasse de plus que l’idolâtrie. Voyons si dans ce qu’on appelle le merveilleux elle ne le dispute point en beauté à la mythologie même.

Nous ne nous dissimulons pas que nous avons à combattre ici un des plus anciens préjugés de l’école. Les autorités sont contre nous, et l’on peut nous citer vingt vers de l’Art poétique qui nous condamnent :

Et quel objet enfin à présenter aux yeux, etc.

C’est donc bien vainement que nos auteurs déçus, etc.

Quoi qu’il en soit, il n’est pas impossible de soutenir que la mythologie si vantée, loin d’embellir la nature, en détruit les véritables charmes, et nous croyons que plusieurs littérateurs distingués sont à présent de cet avis.

Le plus grand et le premier vice de la mythologie était d’abord de rapetisser la nature et d’en bannir la vérité. Une preuve incontestable de ce fait, c’est que la poésie que nous appelons descriptive a été inconnue de l’antiquité [NOTE 14] ; les poètes mêmes qui ont chanté la nature, comme Hésiode, Théocrite et Virgile, n’en ont point fait de description