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Chapitre III - Partie historique de la Peinture chez les modernes

La Grèce raconte qu’une jeune fille, apercevant l’ombre de son amant sur un mur, dessina les contours de cette ombre. Ainsi, selon l’antiquité, une passion volage produisit l’art des plus parfaites illusions.

L’école chrétienne a cherché un autre maître ; elle le reconnaît dans cet artiste qui, pétrissant un peu de limon entre ses mains puissantes, prononça ces paroles : Faisons l’homme à notre image. Donc, pour nous, le premier trait du dessin a existé dans l’idée éternelle de Dieu, et la première statue que vit le monde fut cette fameuse argile animée du souffle du Créateur.

Il y a une force d’erreur qui contraint au silence, comme la force de vérité : l’une et l’autre, poussées au dernier degré emportent conviction, la première négativement, la seconde affirmativement. Ainsi, lorsqu’on entend soutenir que le christianisme est l’ennemi des arts, on demeure muet d’étonnement, car à l’instant même on ne peut s’empêcher de se rappeler Michel-Ange, Raphaël, Carrache, Dominique, Le Sueur, Poussin, Coustou et tant d’autres artistes dont les seuls noms rempliraient des volumes.

Vers le milieu du quatrième siècle, l’empire romain, envahi par les barbares et déchiré par l’hérésie, tomba en ruine de toutes parts. Les arts ne trouvèrent plus de retraites qu’auprès des chrétiens et des empereurs orthodoxes. Théodose, par une loi spéciale De excusatione artificium, déchargea les peintres et leurs familles de tout tribut et du logement d’hommes de guerre. Les Pères de l’Église ne tarissent point sur les éloges qu’ils donnent à la peinture. Saint Grégoire s’exprime d’une manière remarquable : Vidi saepias inscriptionis imaginem, et sine lacrymis transire non potui, cum tam efficaciter ob oculos poneret historiam[1] ; c’était un tableau représentant le sacrifice d’Abraham.

Saint Basile va plus loin, car il assure que les peintres font autant par leurs tableaux que les orateurs par leur éloquence[2]. Un moine nommé Méthodius peignit dans le huitième siècle ce Jugement dernier qui convertit Bogoris, roi des Bulgares[3]. Les prêtres avaient rassemblé au collège de l’orthodoxie, à Constantinople, la plus belle bibliothèque

  1. Deuxième Conc. de Nic., act. XI (N.d.A.)
  2. Saint Basile, hom. XX. (N.d.A.)
  3. Curopal., Cedren., Zonar., Maimb., Hist. des Iconocl. (N.d.A.)