Page:Chateaubriand - Œuvres complètes - Génie du christianisme, 1828.djvu/290

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

du monde et les chefs-d’œuvre des arts : on y voyait en particulier la Vénus de Praxitèle[1], ce qui prouve au moins que les fondateurs du culte catholique n’étaient pas des barbares sans goût, des moines bigots livrés à une absurde superstition.

Ce collège fut dévasté par les empereurs iconoclastes. Les professeurs furent brûlés vifs, et ce ne fut qu’au péril de leurs jours que des chrétiens parvinrent à sauver la peau de dragon, de cent vingt pieds de longueur, où les œuvres d’Homère étaient écrites en lettres d’or. On livra aux flammes les tableaux des églises. De stupides et furieux hérésiarques, assez semblables aux puritains de Cromwell, hachèrent à coups de sabre les mosaïques de l’église de Notre-Dame de Constantinople et du palais des Blaquernes. Les persécutions furent poussées si loin, qu’elles enveloppèrent les peintres eux-mêmes : on leur défendit, sous peine de mort, de continuer leurs études. Le moine Lazare eut le courage d’être le martyr de son art. Ce fut en vain que Théophile lui fit brûler les mains pour l’empêcher de tenir le pinceau. Caché dans le souterrain de l’église de Saint-Jean-Baptiste, le religieux peignit avec ses doigts mutilés le grand saint dont il était le suppliant[2], digne sans doute de devenir le patron des peintres et d’être reconnu de cette famille sublime que le souffle de l’esprit ravit au-dessus des hommes.

Sous l’empire des Goths et des Lombards, le christianisme continua de tendre une main secourable aux talents. Ces efforts se remarquent surtout dans les églises bâties par Théodoric, Luitprand et Didier. Le même esprit de religion inspira Charlemagne ; et l’église des Apôtres, élevée par ce grand prince à Florence, passe encore, même aujourd’hui, pour un assez beau monument[3].

Enfin, vers le treizième siècle, la religion chrétienne, après avoir lutté contre mille obstacles, ramena en triomphe le chœur des Muses sur la terre. Tout se fit pour les églises et par la protection des pontifes et des princes religieux. Bouchet, Grec d’origine, fut le premier architecte, Nicolas le premier sculpteur et Cimabué le premier peintre, qui tirèrent le goût antique des ruines de Rome et de la Grèce. Depuis ce temps les arts, entre diverses mains et par divers génies, parvinrent jusqu’à ce siècle de Léon X, où éclatèrent comme des soleils Raphaël et Michel-Ange.

On sent qu’il n’est pas de notre sujet de faire l’histoire complète de l’art. Tout ce que nous devons montrer, c’est en quoi le christianisme est plus favorable à la peinture qu’une autre religion. Or, il est aisé de

  1. Cedren., Zonar., Constant. et Maimb., Hist. des Iconocl. etc. (N.d.A.)
  2. Maimb., Hist. des Iconocl., Cedren., Curopal. (N.d.A.)
  3. Vasari, Poem. del Vit. (N.d.A.)