Page:Chateaubriand - Œuvres complètes t1.djvu/355

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la beauté des solitudes l’invitoient à se fixer de nouveau.

Quelle félicité devoit goûter ce peuple aimé du ciel ! A l’homme primitif sont réservées mille délices. Le dôme des forêts , le vallon écarté qui remplit l’àme de silence et de méditation, la mer se brisant au soir sur des grèves lointaines, les derniers rayons du soleil couchant sur la cime des rochers , tout est pour lui spectacle et jouissance. Ainsi je l’ai vu sous les érables de l’Erié 1 , ce favori de la nature 2 qui sent beaucoup et pense peu , qui n’a d’autre raison que ses besoins , et qui arrive au résultat de la philosophie comme l’enfant, entre les jeux et le sommeil. Assis insouciant, les jambes croisées à la porte de sa hutte , il laisse s’écouler ses jours sans les compter. L’arrivée des oiseaux passagers de l’automne , qui s’abattent à l’entrée de la nuit sur le lac , ne lui annoncent point la fuite des années, et la chute des feuilles de la forêt ne l’avertit que du retour des frimas. Heureux jusqu’au fond de l’âme , ou ne découvre point sur

1 Un des grands lacs du Canada.

2 Je supplée ici par la peinture du sauvage mental * de l’Amérique, ce qui manque dans Justin, Hérodote, Strabon, Horace, etc., à l’histoire des Scythes. Les peuples naturels, à quelques différences près, se ressemblent ; qui en a vu un, a vu tous les autres.

  • Qu’est-ce que cela veut dire ? Nouv. Ed.