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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

verais presque étrange qu’il n’y en eût pas toujours quelques-unes de répandues sur mon compte.

C’est à vous maintenant à juger si cela doit nous éloigner l’un de l’autre. Pour blessé, je l’ai été profondément ; mais mon attachement pour vous est à toute épreuve ; il survivra même à l’absence, si nous ne devons plus nous revoir.

Je vous recommande mon ami[1].

Paris, 4 thermidor (juillet 23).

Mme de Custine, dans sa réponse, chercha, paraît-il, à expliquer le refus du service que Chateaubriand lui avait demandé. Elle laissa entendre qu’elle s’était sentie froissée à l’idée de subvenir aux dépenses nécessitées par la présence à Rome de Mme de Beaumont. C’est ici que se place la lettre de Chateaubriand, du 1er août 1804, citée par M. Bardoux, et dont voici le début :


Je vois qu’il est impossible que nous nous entendions jamais par lettre. Je ne me rappelle plus pour quel objet je vous avais demandé ce service ; mais si c’est pour celui que vous faites entendre, jamais, je crois, preuve plus noble de l’idée que j’avais de votre caractère n’a été donnée ; et c’est une grande pitié que vous ayez pu la prendre dans un sens si opposé ; je m’étais trompé…


Cependant, malgré l’aigreur de ces premières lignes, Chateaubriand s’adoucit : il ne demande qu’à pardonner, à tout oublier, et la lettre se termine par un mot charmant : « Adieu, j’ai encore bien de la peine à vous dire quelques mots aimables, mais ce n’est pas faute d’envie. » Le post-scriptum renouvelle la demande de pressantes démarches auprès de Fouché en faveur de « l’ami malheureux et persécuté ». Ainsi, même dans ces circonstances où il semblerait devoir être tout entier à sa légitime irritation et à sa vive douleur, pas un seul instant il n’oubliera son ami. N’en déplaise à M. Bardoux, il me

  1. Toujours M. Bertin.