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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

champ de mon père, et quelques arbres que j’ai plantés ne seront bientôt plus à moi.[1] »


Par la ressemblance des opinions, alors très vives, il s’était établi une camaraderie entre les minorités des deux Chambres. La France apprenait le gouvernement représentatif : comme j’avais la sottise de le prendre à la lettre et d’en faire, à mon dam, une véritable passion, je soutenais ceux qui l’adoptaient, sans m’embarrasser s’il n’entrait pas dans leur opposition plus de motifs humains que d’amour pur comme celui que j’éprouvais pour la Charte ; non que je fusse un niais, mais j’étais idolâtre de ma dame, et j’aurais traversé les flammes pour l’emporter dans mes bras. Ce fut dans cet accès de constitution que je connus M. de Villèle en 1816. Il était plus calme ; il surmontait son ardeur ; il prétendait aussi conquérir la liberté ; mais il en faisait le siège en règle ; il ouvrait méthodiquement la tranchée ; moi, qui voulais enlever d’assaut la place, je grimpais à l’escalade et j’étais souvent renversé dans le fossé.

Je rencontrai pour la première fois M. de Villèle[2]

  1. Opinion sur le projet de loi relatif aux finances, prononcée à la Chambre des pairs, dans la séance du 21 mars 1817.Œuvres complètes, T. II, p. 226.
  2. Jean-Baptiste-Guillaume-Marie-Anne-Séraphin-Joseph, comte de Villèle (1773-1854). Membre de la Chambre des députés de 1815 à 1828. Ministre sans portefeuille du 21 décembre 1820 au 27 juillet 1821. Le 14 décembre de cette même année, il devint ministre des finances, et, le 7 septembre 1822, président du Conseil. Il garda le pouvoir jusqu’au 4 janvier 1828, et, en le quittant, obtint la dignité de pair. Louis XVIII l’avait fait comte le 17 août 1822. Après la révolution de Juillet, il se retira à Toulouse, sa ville natale, où il mourut le 13 mars 1854. —