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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

tion qu’on n’ose plus défendre[1]. Il paraît certain qu’au commencement de l’action, Soult fit quelques observations stratégiques à l’empereur : « Parce que Wellington vous a battu, lui répondit sèchement Napoléon, vous croyez toujours que c’est un grand général. » À la fin du combat, M. de Turenne[2]

  1. M. Thiers, dans son vingtième volume, publié en 1862, aura été le dernier défenseur de la phrase légendaire. « À ce moment, dit-il, on entend ce mot qui traversera les siècles, proféré selon les uns par le général Cambronne, selon les autres par le colonel Michel : La garde meurt et ne se rend pas. » En dépit de M. Thiers, nul ne croit plus à la réalité de la fameuse phrase, que le général Cambronne a d’ailleurs toujours désavouée, notamment en 1835, dans un banquet patriotique, qu’il présidait à Nantes. (Voir Levot, Biographie bretonne, au mot Cambronne.) Le seul point sur lequel on discute encore est celui de savoir si Cambronne a dit — ou n’a pas dit — le monosyllabe que Victor Hugo a mis dans sa bouche. (Les Misérables, tome III, liv. I, ch. 15, p. 103.) — Le mieux, je crois, est de s’en tenir à ces lignes d’un judicieux historien, M. Alfred Nettement : « Le mot prêté à Cambronne, leur chef : « La garde meurt et ne se rend pas, » n’a point été dit ; mais l’action est supérieure aux paroles ; ces héroïques soldats, entourés de monceaux de cadavres tombés sous leurs balles et leurs baïonnettes, sont tous mort pour ne pas se rendre. ».(Histoire de la Restauration, tome II, p. 567).
  2. Henri-Amédée-Mercure, comte de Turenne (1776-1852). Officier au régiment du Roi quand éclata la Révolution, il refusa d’émigrer, et voulut reprendre du service militaire ; mais, incarcéré à Lyon comme suspect pendant la Terreur, il ne fut remis en liberté qu’après le 9 thermidor, et servit à l’armée des Pyrénées occidentales. Le décret de 1794 contre les nobles le força de quitter l’armée ; il resta dans la vie privée jusqu’à la proclamation de l’Empire, et fut alors un des premiers à se rallier au nouveau pouvoir. Tandis que sa femme devenait dame du palais de l’impératrice Joséphine, lui-même était attaché à la personne de l’Empereur comme officier d’ordonnance. Chambellan de Napoléon après Wagram, premier chambellan et maître de la garde-robe en 1812, colonel pendant la campagne de Russie, il fut créé comte de l’Empire le 11 novembre 1813. Il suivit Napo-