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VIE DE RANCÉ

dit dès le lendemain à son monastère. Et pourtant il écrivait à un de ses amis : « Ma disposition n’est qu’une pure résignation à la Providence. Priez pour moi. »

Ce premier séjour de Rancé à la Trappe ne fut pas long. Il faisait réparer de tous les côtés l’abbaye ; mais tandis qu’il donnait des règlements nouveaux, il fut appelé à Paris à l’assemblée générale des communautés régularisées. Ce jeune homme, naguère si dépendant de l’opinion du monde, se rendit au lieu de la réunion dans une charrette comme un mendiant ; affectation dont il ne put débarrasser sa vie. L’assemblée le nomma pour aller en cour de Rome plaider la cause de la réforme. Avant son départ, il s’aboucha avec le cardinal de Retz, qui s’était avancé jusqu’à Commercy. Ensuite Rancé retourna quelques jours à la Trappe. Il s’occupait comme un humble frère. Il disait : « Sommes-nous moins pécheurs que les premiers religieux de Cîteaux ? Avons-nous moins besoin de pénitence ? » On lui représentait que, plus faibles, on ne pouvait plus pratiquer les mêmes austérités : « Dites, répondait-il, que nous avons moins de zèle. » D’un consentement unanime, les religieux se privèrent de l’usage du vin et de celui du poisson ; ils s’interdi-