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LIVRE TROISIÈME

que le temps), « voudriez-vous revivre au prix d’une couronne ? Le trône vous tente-t-il encore ? Vous secouez vos têtes, et vous vous recouchez lentement dans vos cercueils. »

Rancé avait transporté avec lui au désert le passé, et y attira le présent et l’avenir. Le siècle de Louis XIV ne négligeait aucune grandeur ; il s’associait aux victoires d’un reclus comme aux victoires d’un capitaine : Rocroi pour ce siècle était partout. Les querelles du jansénisme, les mysticités du quiétisme occupaient la ville et la cour depuis Bossuet et Fénelon jusqu’à mesdames de Maintenon et de Longueville, depuis le cardinal de Noailles jusqu’aux maréchaux amis et ennemis de Port-Royal, depuis les adversaires du protestantisme jusqu’aux esprits entêtés de l’hérésie. Par Rancé le siècle de Louis XIV entra dans la solitude, et la solitude s’établit au sein du monde.

Dans ces premières années de la retraite de Rancé, on entendit peu parler du monastère, mais petit à petit sa renommée se répandit. On s’aperçut qu’il venait des parfums d’une terre inconnue ; on se tournait, pour les respirer, vers les régions de cette Arabie heureuse. Attiré par les effluences célestes, on en remonta le cours :