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VIE DE RANCÉ

la vie monastique : chasteté, pauvreté et obéissance. Il dit que dans la pensée de saint Augustin une vierge chaste consacrée à Dieu a tout ce qui peut lui servir d’ornement, sans quoi la virginité lui aurait été honteuse, car que lui servirait d’avoir l’intégrité du corps si elle n’avait pas celle de l’âme ? Le réformateur insiste sans s’embarrasser dans ses souvenirs. Quel avantage tirerait un religieux d’avoir abandonné les biens de la fortune s’il conservait d’autres affections et d’autres attaches ? Notre cœur se trouve où est notre trésor, et nous sommes liés par les objets que nous aimons ; et pourtant, mes frères, dit Rancé, si le religieux ne se prive des faux plaisirs, il se réserve les véritables ennuis qui les accompagnent ; toute sa course ne sera qu’une continuité de chutes et de rechutes. Dans un voyage pour aller plus légèrement vers le ciel, il faut se décharger de tout ce qui peut empêcher de s’avancer dans le chemin. La pauvreté religieuse sépare le cœur, aussi bien que la chasteté, de tout ce qu’il y a de visible et d’invisible, s’il n’est point éternel.

Rancé recommande la charité comme la première des vertus. Un chrétien, dit saint Paul, n’est fait que pour aimer. Ce qui fait que l’amour de Dieu est si rare dans les hommes, c’est qu’ils