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VIE DE RANCÉ

de mes principaux amis, et qui m’étaient le plus étroitement unis depuis plusieurs années, que Dieu m’a ôtés dans quinze jours par des accidents divers. Le plus surprenant est celui qui a emporté l’abbé de Saint-Luc, qu’un cheval a jeté par terre si rudement qu’il en est mort une heure après, à trente-quatre ans. »

Dom Zozime disparut vite. « Un carme déchaussé s’était jeté à la Trappe depuis plusieurs années ; il s’appelait dom Gervaise : ses talents, sa piété séduisirent M. de la Trappe, et le témoignage de M. de Meaux acheva de le déterminer. Le nouvel abbé, continue Saint-Simon, ne tarda pas à se faire mieux connaître après qu’il eut eu ses bulles ; il se crut un personnage, chercha à se faire un nom, à paraître et à n’être pas inférieur au grand homme auquel il devait sa place et à qui il succédait. Au lieu de le consulter, il en devint jaloux, chercha à lui ôter la confiance des religieux, et, n’en pouvant venir à bout, à l’en tenir séparé. Il arriva que dom Gervaise tomba dans une faute : l’abbé de la Trappe, épouvanté, le fit chercher partout, et craignit qu’il ne fût allé se jeter dans les étangs. On le trouva caché sous les voûtes de l’église et baigné de larmes : il offrit sa démission. M. de la