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VIE DE RANCÉ

près de madame de Montbazon augmentèrent ; il passait souvent les nuits au jeu ou avec elle ; elle s’en servait pour ses affaires : une jeune veuve a besoin de ce secours. Cette familiarité fit bien des jaloux ; on en pensa et l’on en dit tout ce qu’on voulut, peut-être trop.

» Il est vrai que, de tous ceux qui firent leur cour à madame de Montbazon, l’abbé de Rancé fut celui qui eut le plus de part à son amitié. Aussi c’était un ami véritable et effectif. Il sut en plusieurs occasions lui rendre des services très considérables ; la reconnaissance exigeait de cette dame toutes ces distinctions. Au reste ils gardaient toujours de grands dehors ; ils évitaient même de monter ensemble dans le même carrosse, et pendant plus de dix ans qu’a duré leur commerce, on ne les y a jamais vus qu’une fois, encore étaient-ils si bien accompagnés qu’on ne pouvait s’en formaliser. Ainsi il y a quelque apparence que l’esprit avait plus de part à cette amitié que la chair.

» La reine Christine de Suède avait envoyé en France, en qualité d’ambassadeur, le comte de Tot. Il s’était adressé à M. Ménage pour voir ce qu’il y avait de plus considérable à la cour, et lui demanda enfin si par son moyen il ne pour-