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VIE DE RANCÉ

étaient insupportables ; il passait les jours à courir dans les bois, le long des rivières, sur les bords des étangs, appelant par son nom celle qui ne lui pouvait répondre.

Lorsqu’il venait à considérer que cette créature qui brilla à la cour avec plus d’éclat qu’aucune femme de son siècle n’était plus, que ses enchantements avaient disparu, que c’en était fait pour jamais de cette personne qui l’avait choisi entre tant d’autres, il s’étonnait que son âme ne se séparât de son corps.

Comme il avait étudié les sciences occultes, il essaya les moyens en usage pour faire revenir les morts. L’amour reproduisait à sa mémoire ornée le sacrifice de Simeth, cherchant à rappeler un infidèle par un des noms d’un passereau consacré à Vénus ; il invoquait la nuit et la lune. Il eut toutes les angoisses et toutes les palpitations de l’attente : madame de Montbazon était allée à l’infidélité éternelle ; rien ne se montra dans ces lieux sombres et solitaires que les esprits se plaisent à fréquenter[1].

Toutefois, si Rancé n’eut pas les visions des poètes de la Grèce, il eut une vision chrétienne :

  1. Dom Gervaise : Jugement critique, mais équitable, des Vies de feu M. l’abbé de Rancé, pag. 160 et suiv.