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LIVRE DEUXIÈME

et Arsène ; on a une héroïde de Colardeau qui trace la mort de madame la duchesse de Montbazon :

Je fuis vers ma demeure, éperdu, tourmenté :
La tête et le cercueil étaient à mon côté.

Rancé avait fait peindre à La Trappe saint Jean Climaque poussant des gémissements, et sainte Marie égyptienne assistée par saint Sozyme. Il composa pour ces deux tableaux des inscriptions. Dans l’épigramme de douze vers latins adressée à la pénitente, on lisait :

Ecce, columba gemens, sponsi jam sanguine lota.

Il faut ajouter à ces semi-indications le désespoir de Rancé, et ce sera au lecteur à se former une opinion. Les annales humaines se composent de beaucoup de fables mêlées à quelques vérités : quiconque est voué à l’avenir a au fond de sa vie un roman, pour donner naissance à la légende, mirage de l’histoire.

Dès le jour de la mort de madame de Montbazon, Rancé prit la poste et se retira à Veretz : il croyait trouver dans la solitude des consolations qu’il ne trouvait dans aucune créature. La retraite ne fit qu’augmenter sa douleur : une noire mélancolie prit la place de sa gaieté, les nuits lui