Page:Chateaubriand - Vie de Rancé, 2è édition, 1844.djvu/98

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
82
VIE DE RANCÉ

montagnes avaient un danger : le soleil en était trop éclatant, et de leur sommet on découvrait les séjours d’Inès et de Chimène.

Longtemps après le voyage de Rancé, une chevrière âgée de douze ans, conduisant ses biques dans la paroisse d’Alan, diocèse de Comminges, tomba en s’écriant : « Jésus ! » Une dame vêtue de blanc lui apparut, et lui dit : « Ne craignez rien. » Et elle la tira du précipice. La petite fille dit à la sainte Vierge (c’était elle) qu’elle avait perdu son chapelet. La sainte Vierge lui en donna un en lui recommandant d’ordonner à un prêtre de faire bâtir une chapelle au lieu où elle était tombée. L’évêque de Comminges, ancien hôte de Rancé, en écrivit à la Trappe. Rancé, du fond de son abbaye, conseilla l’érection d’une chapelle dédiée à Notre-Dame-de-Saint-Bernard, dont les ruines marquent aujourd’hui le premier pas de Rancé dans la solitude.

L’évêque de Comminges et l’évêque d’Aleth avaient combattu au commencement les desseins extrêmes de Rancé ; ils lui conseillaient cette médiocrité, caractère de la vertu : « Vous, disaient-ils, vous ne pensez qu’à vivre pour vous. » L’évêque d’Aleth approuvait que Rancé se défît de sa fortune ; mais il s’opposait à son penchant