Page:Chaucer - Les Contes de Canterbury.djvu/311

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d’aucuns pour un bras rond et pour une main fine.
Ainsi donc, à ton compte, tout s’en va au malin.
Tu contes qu’on ne peut tenir mur de castel,
pour peu qu’il soit longtemps assailli de partout[1].
265    Et si c’est laideron, tu contes qu’elle va
convoiter le premier galant qu’elle verra[2]
et sautera sur lui comme fait épagneul,
tant qu’à trouver marchand laideron réussisse —
car il n’est oie si grise allant dessus l’étang
270qui, contes-tu toujours, ne rencontre son jars.
Et tu contes qu’il est bien dur de manier
chose que de son gré nul ne voudrait tenir —
ainsi vas-tu contant, butor, quand tu te couches —
et qu’homme de bon sens ne se doit marier,
275ni celui-là non plus qui veut gagner le ciel.
Que la foudre tonnante et le feu de l’éclair
te rompent ton vieux cou au cuir parcheminé !
    Tu contes que maison où tombe pluie, fumée,
femme encline à tancer, font s’ensauver les hommes
280de leur propre logis[3]. Ah, benedicite !
qui prend ce vieux mari de gronder de la sorte ?
    Tu contes que nous, femmes, savons cacher nos vices
tant qu’on rive la chaîne, puis après les montrons.
Oh ! comme voilà bien proverbe de grognon !
285    Tu contes que chevaux, bœufs, et ânes, et chiens,
on les met à l’essai à reprises diverses,
aiguières, bassins — devant qu’on les achète —
cuillers et escabeaux, et autres meubles tels,
comme aussi l’on fait pots, et linge, et vêtements.
290Mais femmes, contes-tu, on n’en fait point l’essai
qu’on ne soit marié, méchant vieux radoteur,
et alors, contes-tu, nous faisons voir nos vices.
    Et tu contes aussi que je prends du dépit
si jamais tu oublies de vanter ma beauté,

  1. Rom. de la Rose, 8925, elz.
  2. Rom. de la Rose, 8927, elz.
  3. Fumus et mulier et stillicidia Expellunt hominera a domo propria, etc. (Vers des Goliards. V. Edélestand Duméril ; Poésies populaires latines du Moyen Age). — Fumée et pluye, Et femme tençant sans raison Chacent l’homme de sa maison (Les Lamentations de Matheolus, II, 68, éd. Van Hamel).