Page:Chaucer - Les Contes de Canterbury.djvu/75

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si Thésée voulait hausser son rang
et le placer en honorable service
où il pourrait montrer par actes ce qu’il valait.
Ainsi, au bout d’un temps, la renommée se répandit
et de ses actions et de son bon parler,
tant et si bien que Thésée le prit près de lui
1440et de sa chambre le fit écuyer,
en lui donnant de l’or pour tenir son rang ;
et par surcroît on lui apportait de son pays
d’année en année très secrètement sa rente ;
mais il la dépensait avec tant de discrétion et prudence
que personne n’admirait comme il l’avait acquise.
Trois années en cette manière il vécut
et se conduisit de telle façon tant en paix qu’en guerre,
que nul homme n’était à Thésée plus cher.
Et dans ce bonheur maintenant je laisse Arcite
1450et vais un peu parler de Palamon.

    Dans l’ombre d’une horrible et forte geôle
depuis sept ans était retenu Palamon,
consumé de tourment et de détresse.
Qui ressent double chagrin et double accablement
si ce n’est Palamon ? lui que l’amour tant malmène
qu’il en perd l’esprit et devient fou de douleur ;
à cela s’ajoute qu’il est prisonnier
à perpétuité, non point seulement pour une année.
Qui pourrait en anglais, en convenables rimes,
1460narrer son martyre ? en vérité, ce n’est pas moi ;
donc je passe aussi légèrement que puis.

    Il arriva, la septième année, en Mai,
la troisième nuit (comme disent les vieux livres
qui racontent cette histoire plus pleinement),
que ce soit pure aventure ou destinée,
(car, quand une chose est fixée, elle doit avoir lieu)
il arriva que, peu après la mi-nuit, Palamon,
avec l’assistance d’un ami, s’évada de prison,
et s’enfuit de la cité aussi vite qu’il put ;
1470car il avait à son geôlier donné fort à boire
d’un claret, fait d’un certain vin