Page:Chaucer - Les Contes de Canterbury.djvu/76

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mélangé de narcotiques et de bon opium thébaïque,
tant que, toute la nuit, si fort qu’on l’eût secoué,
le geôlier dormit, sans se pouvoir éveiller ;
et Palamon de fuir aussi vite qu’il lui fut possible.
La nuit fut brève et proche fut bientôt le jour
et de nécessité il se dut cacher ;
aussi jusqu’à un bocage qui était tout voisin
d’un pas timide et furtif se glisse alors Palamon.
1480Car brièvement telle était sa pensée :
dans ce bocage il voulait se cacher tout le jour,
afin de pouvoir, la nuit suivante, se mettre en route
vers Thèbes, pour supplier ses amis
de l’aider à guerroyer contre Thésée ;
bref, voulant ou y laisser sa vie
ou gagner Émilie et en faire sa femme ;
tels furent clairement son acte et son intention.

Maintenant je reviens à Arcile
qui ne se douta guère combien proche était son souci,
1490tant que la fortune ne l’eut conduit jusque dans le piège.

L’alouette affairée, messagère du jour,
salue de ses chants le matin gris
et Phébus en feu se lève si rayonnant
que tout l’Orient rit à la lumière
et de ses rais sèche dans les bocages
les gouttes d’argent, qui pendent au bord des feuilles.
Et Arcite, qui est à la cour royale
avec Thésée, et son premier écuyer,
se lève et contemple le jour joyeux.
1500Et pour rendre ses devoirs à Mai,
se souvenant de son désir poignant,
sur un coursier qui s’élance comme flamme,
il chevauche aux champs, pour s’éjouir
hors de la cour, ne fût-ce qu’un mille ou deux ;
et vers le bocage dont je vous ai parlé,
par aventure se met à faire route
pour se cueillir une guirlande des bois
ne fût-ce que de liseron et d’aubépine ;
à toute voix il chante devant le soleil brillant :