Page:Cherbuliez - Amours fragiles, 1906.djvu/111

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« Oh ! mon pauvre oncle, s’écriait-il, voilà donc son fameux secret ! Il a dû refaire dix fois son épître avant de l’envoyer ; il craignait que ma mère ne se moquât de lui. Et regardez un peu la peine qu’il se donne pour plaisanter et comme malgré lui le sérieux de sa passion se trahit. Ah ! oui, il a « des journées orageuses et des nuits agitées ». Je le conçois. Voyez, je vous prie, comme tout s’explique, les incohérences de sa conduite, ses rougeurs, son trouble, ses accès bizarres de sauvagerie, les impolitesses qu’il vous a faites, lui si poli, si esclave des bienséances ! Il a juré de ne plus remettre les pieds ici, comme le papillon se jure de ne plus retourner à la flamme de la bougie. Chaque matin il se dit : « Quittons Lausanne, partons. » Et il n’a pas le courage de partir. Et pourtant il ne peut tenir en place, il promène ses amoureux soucis sur le lac. Nous nous demandions ce qu’il allait faire en Savoie. Eh ! parbleu ! il va à Meillerie, pour y contempler le rocher de Saint-Preux, pour y raconter ses douleurs à cette grande ombre. Puis il se dit de nouveau : Partons ! Il ne part pas, et chaque jour il recommence à décrire sa lointaine et monotone orbite autour du chalet, où son cœur est resté.

— Eh oui ! c’est bien cela, dit Mme Véretz. Il