Page:Cherbuliez - Amours fragiles, 1906.djvu/128

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me demande si elle n’a pas fait, elle aussi, ses réflexions. »

Le marquis lâcha le bras de Mme Véretz pour s’essuyer le front avec son mouchoir. Il y a dans ce monde des sueurs de joie.

« Ah ! tu jubiles, mon bonhomme, lui disait intérieurement Mme Véretz, et tu ne penses plus à tes cheveux blancs… Voyons si tu vas parler. »

Le marquis ne parla pas. On eût dit que son allégresse lui faisait oublier où il était et avec qui. Il finit pourtant par s’en souvenir. Il s’empara de la main de Mme Véretz et la porta presque amoureusement à ses lèvres, si bien qu’elle crut à une méprise. Puis, après quelques instants de méditation :

« Madame, lui dit-il, ce qu’il y a de plus difficile au monde, c’est de perdre son chien. »

Elle se mit à rire et lui répondit :

« Je vous avais prévenu que je vous demanderais un conseil.

— Chère madame, répliqua-t-il, dans tous les hommes qui se mêlent d’écrire, il y a une passion plus forte et qui a la vie plus dure que l’amour : c’est l’amour-propre, et, pour tuer l’amoureux, il suffit quelquefois d’égratigner l’auteur avec la pointe d’une épingle.