Page:Cherbuliez - Amours fragiles, 1906.djvu/145

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plaisir de pêcher. Ce qui est lamentable, c’est que malgré mes soins, mon attention, ma persévérance, je ne prenais rien, hormis quelques misérables goujons. Je me disais : C’en est trop, partons. Et je ne partais pas. En débarquant à Lausanne, je croyais encore au poisson, je n’y crois plus, et c’est ainsi que nos illusions s’en vont avec nos années, nous en semons notre route. Toutefois, je ne sais par quel miracle j’ai réussi avant-hier à prendre une anguille de fort jolie taille, qui est venue obligeamment mordre à mon hameçon, et là-dessus je pars. L’honneur de mes cheveux blancs est sauf.

« Veuillez, chère madame, présenter à votre adorable fille et agréer pour vous-même les compliments empressés et respectueux du marquis de Miraval. »

Nous renonçons à décrire l’expression que revêtit la figure de Mme Véretz en prenant connaissance de cette réponse, l’embarras vraiment cruel qu’elle éprouva à la communiquer à sa fille, et la scène véritablement épouvantable que lui fit cet ange adoré. Mme Corneuil est moins à plaindre que sa mère, puisque dans son désastre elle a du moins la ressource de soulager son cœur par les reproches les plus véhéments, par les récriminations les plus