Page:Cherbuliez - Amours fragiles, 1906.djvu/151

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Paris, ils étaient venus me voir, charmés de m’apprendre et de me prouver qu’ils étaient encore en vie. Je veux beaucoup de bien aux malades que j’ai guéris ; il me semble qu’ils y ont mis de la bonne volonté, qu’ils se sont piqués de faire honneur à mes ordonnances, et je leur sais gré de cette attention, qui vraiment n’est pas commune ; bref, je me considère un peu comme leur obligé, et leur nom demeure à jamais inscrit dans le livre d’or de ma mémoire. J’eus du plaisir à revoir mes Américains ; je les retrouvais bien portants, gaillards, prospères, francs de toute avarie, et, pour leur en témoigner ma satisfaction, je les emmenai dîner dans un café du boulevard.

Ils s’appelaient l’un M. Severn, l’autre M. Bloomfield ; M. Bloomfield était démocrate, M. Severn était républicain. C’est vous dire que M. Severn et M. Bloomfield n’ont jamais été et ne seront jamais du même avis sur quoi que ce soit. Il y parut pendant le dîner ; quel que fût le point en question, ils ne s’entendaient sur rien, hormis sur l’excellence d’un château-yquem qui leur plaisait infiniment. Je m’abstins d’abord de leur parler politique, craignant qu’ils ne se prissent aux cheveux. Je ne tardai pas à me rassurer ; ils étaient plus tranquilles, plus posés, plus flegmatiques que