Page:Cherbuliez - Amours fragiles, 1906.djvu/162

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douches d’eau froide sur la tête, ou simplement l’avait exhorté à voyager, à se distraire, à s’amuser, Booth aurait pu vivre quatre-vingts ans sans tuer personne. Que n’est-il tombé sous ma patte ! je me serais fait fort de le guérir. »

Mes deux Américains ne goûtèrent ni l’un ni l’autre mes conclusions. Ils s’accordèrent à me répondre que Booth était un vigoureux gaillard, qui s’était toujours admirablement porté, qu’il avait toujours joui d’une parfaite lucidité d’esprit, qu’il avait réfléchi mûrement à son projet et qu’il l’avait froidement exécuté, qu’il n’avait jamais connu l’hésitation, ni le repentir, ni aucun scrupule, que d’ailleurs j’exagérais singulièrement l’efficacité de la médecine, qu’à la rigueur elle guérit quelquefois les péritonites et les catarrhes, mais que les maladies de l’âme échappent à son empire, et qu’il n’y a point de spécifique contre la fièvre de l’assassinat. C’est ainsi qu’ils se moquèrent de moi et qu’ils faisaient la paix entre eux à mes dépens.

Je les quittai pour aller visiter un malade, et je ne pensai plus à John Wilkes Booth. Il est si facile de penser à autre chose !