Page:Cherbuliez - Amours fragiles, 1906.djvu/164

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muets. On lui demandait de montrer ses yeux, ses bras, ses épaules et ses jambes ; elle les montrait consciencieusement et de la meilleure grâce du monde ; mais cette figurante se sentait née pour chanter l’opérette, elle attendait son heure. Tout à coup son génie s’est révélé ; elle a déployé ses ailes, elle a pris son essor. Ira-t-elle bien loin et bien haut ? J’en doute. Elle n’a qu’un mince petit filet de voix et plus de gentillesse que de talent ; mais elle est si jolie qu’à la rigueur elle peut se passer de tout le reste. C’est son opinion, c’est la mienne ; et c’est aussi l’avis du public.

Non, je ne crois pas qu’il y ait en elle l’étoffe d’une étoile. Les artistes d’avenir, homme ou femme, ont la plupart un mauvais caractère, un coin de férocité, ou tout au moins des inégalités dans l’humeur, le goût de creuser dans le noir, des méchancetés rentrées qui demandent à sortir, une sorte de malfaisance naturelle et un penchant aux petites scélératesses. Cette demoiselle a sans doute ses caprices musqués, ses fantaisies ; mais elle est incapable d’aucune scélératesse. Elle est ce qu’on appelle une bonne fille ; ainsi la jugent son directeur et ses camarades. Elle a l’humeur égale, ne veut de mal à qui que ce soit, s’accommode de tout ce qui lui arrive, prend les choses