Page:Cherbuliez - Amours fragiles, 1906.djvu/174

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moi, si l’inconnu n’avait eu la bonne pensée de les accompagner d’une traduction française que je vais vous réciter, car j’ai bonne mémoire. Écoutez ceci, et tâchez de ne pas vous attendrir : « Que la terre, que les cieux, que le monde entier, que toutes choses m’en soient témoins. Quand je serais digne de ceindre une couronne impériale, quand je serais le plus beau jeune homme qui ait jamais ébloui les yeux, quand j’aurais une force et une science plus grandes que n’en posséda jamais aucun mortel, je tiendrais tous ces biens à nulle estime, si ton amour me manquait ; mais, si tu viens jamais à m’aimer, je mettrai à tes pieds tout ce que je possède, et je me consacrerai à ton service, ou je me laisserai mourir de bonheur. » Là, qu’en dites-vous, docteur ?

— Soyez sûre, répondis-je à Mlle Perdrix, que l’inconnu avait tiré ces vers de quelque pièce de Shakespeare. Cela prouve qu’il avait de la littérature et qu’il la fourrait dans sa correspondance amoureuse. Si j’étais femme, c’est de tous les défauts celui que j’aurais le plus de peine à pardonner.

— Pourquoi cela, reprit-elle, du moment qu’on met la traduction à côté ? Deux jours plus tard,