Page:Cherbuliez - Amours fragiles, 1906.djvu/173

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— Et l’inconnu ? interrompis-je pour en finir avec la grande Mathilde.

— Oh ! l’inconnu ! J’avais tant de choses à quoi penser que je restai vingt-quatre heures sans repenser à lui. Mais le lendemain, en approchant de la rampe, la première figure que j’aperçus, ce fut la sienne. Il occupait le même fauteuil d’orchestre que la veille, je compris tout de suite ce que cela voulait dire. Cette fois, il avait apporté sa jumelle, qu’il tint continuellement braquée sur moi. Cette jumelle, qui ne me lâchait pas, m’inquiétait, me troublait, elle me causait des distractions et faillit me faire manquer ma réplique. Que vous dirai-je ? Je trouvais cet homme fort beau, mais il me faisait peur. Ce qui est certain, c’est qu’il me portait sur les nerfs ; je ne savais pas si j’étais contente ou fâchée qu’il fût là. Deux heures plus tard, j’appris d’une ouvreuse qu’il était Anglais et qu’il avait loué son fauteuil pour quinze jours. Effectivement, le soir d’après, il y était, et le lendemain aussi, et le surlendemain je me demandais : « Que va-t-il arriver ? » Il arriva tout simplement que je reçus un bouquet, que je gardai, et un bijou, que je ne gardai pas. Dans le bouquet il y avait un billet, et dans le billet des vers anglais, qui auraient été de l’hébreu pour