Page:Cherbuliez - Amours fragiles, 1906.djvu/177

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— Il faut que vous sachiez aussi, reprit-elle, que je venais d’hériter de ma grand’mère, qui l’avait hérité de je ne sais qui, un vieux, très vieux perroquet, à qui elle avait appris à dire : « Pour Dieu ! soyez sage, mademoiselle, soyez sage. »

— Autant que la charité le permet, ajoutai-je.

— C’est vous qui le dites, les perroquets n’en savent pas si long. Jacquot criait tout le long du jour : Soyez sage ! et c’était tout. Il le criait d’une voix si perçante que cela me faisait beaucoup d’impression ; j’en étais quelquefois toute saisie. On a beau dire, un perroquet, c’est quelqu’un. Quand j’avais mis dans ma tête de faire une sottise, je jetais une serviette sur la cage de Jacquot, ce qui le faisait taire tout de suite. Mais, ce jour-là, la serviette manqua son effet, il criait plus fort que jamais : Soyez sage ! Et je me dis : Ce n’est pas Jacquot, c’est le bon Dieu qui parle… J’ai toujours cru au bon Dieu. Y croyez-vous, docteur ?

— Un peu plus qu’à Jacquot, lui répondis-je.

— On voit bien que vous n’avez jamais eu de perroquet ; moi, je ne comprends pas qu’on puisse vivre sans cela. Ce sont des animaux qui vous connaissent, puisqu’ils vous appellent par votre nom. Et Jacquot était si beau ! Vous n’en avez jamais vu qui fût plus rouge, ni plus vert, ni plus jaune. Et