Page:Cherbuliez - Amours fragiles, 1906.djvu/20

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train de maison, sa cuisine, son mobilier et ses toilettes. Son humeur tourna au grave ; elle se prit d’un goût subit pour les tons neutres, pour les conversations sévères, pour la métaphysique et pour les rubans feuille-morte. Cette belle blonde s’aperçut qu’elle ne valait tout son prix qu’en se détachant en demi-teinte dans un salon meublé de gens sérieux. Elle s’imposa la tâche d’épurer le sien ; elle mit tout doucement à la porte la plupart de ses petits messieurs, les plus bruyants du moins, ceux qui fréquentaient les coulisses et qui aimaient à conter des histoires grasses. Elle s’était dégoûtée du tapage ; elle avait découvert que la considération vaut mieux, fût-elle achetée par un peu d’ennui. Elle s’efforça d’attirer chez elle des hommes posés, des personnages, et surtout des femmes irréprochables. C’était difficile ; mais, avec un peu de travail et beaucoup de persévérance, une ambitieuse qui ne craint pas l’ennui arrive à tout. Elle ne faisait plus de sonnets ni de romans ; elle se jeta à corps perdu dans les œuvres de charité.

« La charité, ma chère Mathilde, est à la fois et selon les cas la plus belle des vertus ou la plus utile des industries. Tu as tes pauvres, et Dieu seul pourrait nous dire comme tu les aimes, comme tu