Page:Cherbuliez - Amours fragiles, 1906.djvu/204

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j’en touchai deux mots à ma mère. C’est pour le coup qu’elle me dit : — Oui ou non, t’avais-je prévenue ? tu ne veux jamais me croire. J’étais pour l’autre, moi. L’autre est un galant homme, un homme sérieux, un homme rangé. Enfin tu avoues que j’avais raison ; mieux vaut tard que jamais. Il ne reste plus qu’à te sauver bien vite. Sauve-toi donc ! — Je fis ce qu’elle disait, je me sauvai. Vraiment les chemins de fer sont une belle invention. On a bientôt fait de mettre ordre à ses petites affaires, et votre servante ! cherchez, il n’y a plus personne.

« Seize heures plus tard, j’étais commodément installée dans un beau wagon-coupé, où je ne fis qu’un somme jusqu’à Lyon. En me réveillant, je poussai un profond soupir de délivrance. Cependant une inquiétude me prit ; peut-être l’homme qui me faisait peur avait-il eu vent de ma fuite, peut-être courait-il à toutes jambes après le train. J’avançai la tête à la portière, je poussai un second soupir de soulagement, et je me rendormis. Je fis le plus beau rêve du monde ; je croyais voir mon directeur qui s’arrachait les cheveux. Je me flattais de l’avoir plongé dans un cruel embarras et qu’il n’y avait pas moyen de jouer sans moi le Prince toqué. J’étais bien jeune ; une fée, cela se remplace aussi aisément qu’un perroquet. Il faut vous