Page:Cherbuliez - Amours fragiles, 1906.djvu/208

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sera vraiment le mot de la fin, et ce mot traversera les siècles.

« Te souviens-tu de Villebon, de cette nuit passée dans les bois ? Le soleil était déjà levé, et tu dormais encore dans la voiture, car Dieu sait si tu aimes à dormir. Je te réveillai, je t’emportai dans mes bras, je t’assis au pied d’un vieux chêne. Il y avait là des violettes cachées dans la mousse, l’air en était comme embaumé. Pense quelquefois à ces violettes. J’y penserai, moi, le jour de ma mort, et je penserai aussi à cette fossette que tu as au coin de la bouche.

« J’ai une grâce à te demander : envoie à l’adresse ci-jointe une boucle de tes cheveux. Ils ne me quitteront pas, et quelque chose de toi sera mêlé à mes derniers jours. Après ma mort, on les trouvera sur mon cœur, et on se demandera qui me les avait donnés. Sois sûre que les journaux en parleront ; ces bavards parlent de tout. Copie bien exactement l’adresse et expédie-moi sans plus tarder ton petit paquet. Elle y consent, elle ! car elle n’est plus jalouse de toi. Elle sait que c’est fini, qu’elle m’a repris à jamais, qu’elle me tient, que je suis à elle corps et âme, et qu’avant peu de jours j’irai où elle m’envoie… Tu veux boire du sang, vieille sorcière. Paix ! tu en boiras.