Page:Cherbuliez - Amours fragiles, 1906.djvu/233

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vertu qui tient lieu de toutes les autres. Il en trouva peu dans les peintures des jeunes exposants de Barbison, et il faut convenir que ce jour-là il n’y avait dans le nombre aucun chef-d’œuvre. Hélas ! les Dioscures de ce glorieux village sont morts : Rousseau et Millet ne peindront plus.

M. Drommel trouva tout détestable et se dirigea vers la porte, en se couvrant les yeux pour ne plus voir les honteux peinturlurages qui offensaient la délicatesse de son goût. Comme il allait sortir, Mme Drommel le rappela ; elle venait de découvrir à l’un des bouts de la cimaise une toute petite toile, qu’elle trouvait charmante. Ce tableautin, qui représentait une cavalcade dans une chênaie, joignait une finesse rare de dessin à un ragoût de couleur tout à fait appétissant. Le jeune homme qui l’avait peint, et que vous connaissez tous, s’appelle Henri Lestoc. Ce joli garçon a le diable au corps ; on peut lui promettre un superbe avenir, si ses premiers succès ne le grisent pas. Puisse-t-il se défier de l’habileté prodigieuse de sa main et ne pas sacrifier le sérieux de l’art au croustillant, qui est le dieu du jour ! La peinture qu’on préfère depuis quelques années est celle qui donne envie d’en manger ; on peut douter pourtant qu’elle soit faite pour cela.