Page:Cherbuliez - Amours fragiles, 1906.djvu/234

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Malgré son parti pris, M. Drommel se sentait attiré par le croustillant du tableautin. Il y promena longtemps ses yeux et son nez, et il s’informa du prix. Son admiration redoubla quand on lui dit que le peintre demandait deux mille francs de cette petite pochade, qu’on aurait logée dans une tabatière. Tous les philosophes ont leurs faiblesses ; la sienne était d’éprouver une admiration naturelle pour les choses qui coûtent cher et un vif désir de les avoir à bon marché. Mais quand on lui assura que M. Henri Lestoc n’avait qu’un prix et ne faisait jamais de rabais, il déclara que M. Henri Lestoc était un extravagant, que ses prétentions étaient impertinentes, et il s’en alla déjeuner.

Le couvert avait été mis sous un hangar qui s’ouvre sur une allée de jardin. M. Drommel mangea de grand appétit ; il dévora, tout en se plaignant que rien ne fût mangeable. Il prétendit que les œufs n’étaient pas frais ; la poule venait de les pondre. Il prétendit aussi que sa côtelette de mouton était coriace, que le jambonneau ne valait pas le plus grossier jambon de la Westphalie. Il fit la grimace en buvant son café, qui était exquis. Après avoir tout passé par l’étamine, il voulut, avant de retenir une chambre, savoir ce que lui coûtait son déjeuner. Il se récria sur l’addition,