Page:Cherbuliez - Amours fragiles, 1906.djvu/322

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saisi d’un nouveau transport de rage, il rassembla tout ce qui lui restait de force pour tenter une fois encore de rompre les nœuds où ses poignets étaient pris. Ne pouvant parler à son arbre, il lui dit avec les yeux : « Ne vois-tu pas qu’il faut que je coure après elle ? » Son arbre ne sourcilla pas, et l’écharpe résista. Elle était d’une excellente étoffe : le prince de Malaserra n’achetait jamais que de la marchandise de première qualité et du meilleur choix.

Le désespoir de M. Drommel se transforma par degrés en une sorte de stupeur. Il tourna la tête, promena dans la clairière ses yeux hagards. Il lui parut qu’il y avait là beaucoup de gens occupés à se moquer de lui. Les cinq grands chênes qu’il apercevait au loin dans la lande causaient entre eux ; ils trouvaient que le Rageur avait fait preuve d’esprit, qu’on n’en pouvait demander davantage à un arbre mort, qu’il avait joué un bien bon tour à un sociologue allemand. Les genévriers se haussaient sur la pointe des pieds pour observer la scène, pour se rendre compte de cette aventure. Celui qui ressemblait à un grand coq ne dormait plus ; il avait sorti sa tête de son noir plumage, et il regardait. Les rochers blancs se dressaient dans les hautes herbes pour attacher sur le prisonnier