Page:Cherbuliez - Amours fragiles, 1906.djvu/321

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des arbres, secouant les faînes des hêtres pour s’assurer qu’elles sont solides, remuant les feuilles, dérobant les secrets des nids et disant aux oiseaux qu’il réveille : Ne vous dérangez pas, je passe mon chemin, je suis le vent, je suis l’éternel passant.

Comment se faisait-il que Mme Drommel ne vint pas ? Comment une femme si dévouée, si attentive, qui avait toutes les clairvoyances du cœur, n’était-elle pas avertie par un pressentiment secret de l’affreuse détresse à laquelle se trouvait réduit l’objet unique de son culte ? Une idée sinistre traversa l’esprit de M. Drommel. Il se rappela certains propos de son cher prince, l’admiration que Mme Drommel avait inspirée à ce scélérat, les empressements qu’il lui avait témoignés pendant le dîner. Ce monstre ne lui avait-il pas confessé à lui-même qu’il était né avec une disposition fatale à convoiter la femme d’autrui ? Il lui parut démontré que ce pick-pocket doublé d’un don Juan lui avait volé du même coup sa femme et sa bourse, que le cocher de Fontainebleau était un argousin à la solde du ravisseur, qu’il avait emmené sa chère Ada dans quelque repaire, qu’en cet instant elle se débattait dans les bras d’un faux prince, en s’écriant : « Johannes, mon éternel amour, défends-moi contre cet infâme ! » Il fut