Page:Cherbuliez - Amours fragiles, 1906.djvu/46

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bleuâtre, s’étaient allongés ; son teint s’était hâlé, basané, et cette couleur brune lui allait à merveille. Son sourire, plein de douceur et de mystère, était charmant ; on eût dit ce sourire indéfinissable que les sculpteurs égyptiens, dont la Grèce a eu de la peine à surpasser le génie, imprimaient souvent aux lèvres de leurs statues. Tel sphinx du musée du Louvre aurait reconnu Horace à son air de famille et l’eût avoué pour son parent. Il est tout naturel que l’on prenne le teint des pays que l’on habite et quelquefois aussi le visage des choses qu’on aime.

« Maître sot ! pensait le marquis tout fâché, tu as la plus fière tournure, la plus belle tête du monde, et voilà tout ce que tu en sais faire. Ah ! si à ton âge j’avais eu les yeux, le sourire que voici, quel parti j’en aurais tiré ! Non, aucune femme n’aurait pu me résister… Mais toi, que répondras-tu à la Providence quand elle te demandera compte de tous les dons qu’elle t’a faits ? Tu lui diras : Je m’en suis servi pour épouser Mme Corneuil… Eh ! maître sot, te dira-t-elle, tu as sottement commencé par où les autres finissent ! »

Horace était à mille lieues de deviner les secrètes réflexions de M. de Miraval. Après l’émotion désagréable du premier moment, il était rentré dans