Page:Cherbuliez - Amours fragiles, 1906.djvu/67

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Après avoir renvoyé sa mère et passé une demi-heure avec sa femme de chambre, Mme Corneuil prit une tasse de thé, puis elle s’assit à son secrétaire. Elle employait ses matinées à écrire un livre qui devait faire suite au Traité sur l’apostolat et qui était intitulé : Du rôle de la femme dans la société moderne. A vrai dire, c’était tirer deux moutures du même sac. Son but était de démontrer que dans une société démocratique, vouée au culte brutal du nombre, le seul correctif à la grossièreté des mœurs, des pensées et des intérêts, est la souveraineté de la femme. « Les rois s’en vont, avait-elle écrit la veille dans un moment d’inspiration, laissons-les partir ; mais ne souffrons pas qu’ils emportent avec eux la royauté, dont les bienfaits sont nécessaires aux républiques elles-mêmes. Sur le trône qu’ils laissent vide, faisons asseoir la femme ; avec elle régneront la vertu, le génie, les aspirations sublimes, les délicatesses du cœur, les sentiments désintéressés, les nobles dévouements et les nobles mépris. » Peut-être ai-je gâté sa phrase, mais je crois en avoir rendu le sens. Je crois aussi que, dans le portrait qu’elle en faisait, la femme supérieure qu’elle proposait à l’adoration du genre humain, ressemblait étonnamment à Mme Corneuil et qu’elle ne pouvait