Page:Cherbuliez - Amours fragiles, 1906.djvu/68

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se la représenter sans de superbes cheveux d’un blond chaud, enroulés autour de son front comme un diadème.

Quand on a mal dormi, on n’est pas en train d’écrire. Ce jour-là, Mme Corneuil n’était pas en verve, la plume pesait à sa jolie main aux doigts effilés ; les idées et l’expression lui manquaient. En vain elle entortillait autour de son index une boucle voltigeante de ses cheveux, en vain elle interrogeait du regard ses ongles roses, rien ne venait ; elle se prenait à croire qu’entre elle et son papier il y avait quelque chose qui ressemblait à un malheur. Dieu sait pourtant qu’on s’appliquait en pareil cas à ménager ses nerfs, à ne lui causer aucune distraction ; c’était une consigne. Pendant les heures où on la savait retirée dans son sanctuaire, le silence le plus profond régnait partout ; Mme Véretz y mettait bon ordre. Tout le monde parlait bas, marchait à pas de loup, et quand Jacquot, qui faisait les courses et les commissions, traversait la cour pavée, il avait grand soin d’ôter ses sabots pour qu’on ne l’entendît pas. Cette précaution était le fruit d’une douloureuse expérience. Jacquot cultivait la trompette à ses moments perdus. Un matin qu’il s’était permis d’en sonner, Mme Véretz, survenant à l’improviste, lui