Page:Cherbuliez - Amours fragiles, 1906.djvu/77

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une inquiétude qui ne me plaît pas. Les lèvres sont un peu minces ; bah ! c’est un détail. Grâce à Dieu, elle n’a pas de tache d’encre au bout des doigts ; mais ils sont trop effilés, trop nerveux, et dénotent des mains prenantes. Les paupières sont trop longues ; elles doivent lui servir à cacher beaucoup de choses. La voix est bien timbrée, mais elle sonne sec… C’est égal, si j’avais quarante ans de moins… »

Le marquis ne laissait pas de conter ses anecdotes. Mme Véretz était tout oreilles et souriait de la meilleure grâce du monde. Quant à Mme Corneuil, elle ne se départait pas de sa gravité un peu dédaigneuse. Elle était arrivée avec un parti pris ; elle s’était mis dans la tête qu’elle allait comparaître devant un juge malveillant, venu tout exprès pour prendre sa mesure et la faire asseoir sur la sellette. Aussi s’était-elle armée d’une majesté olympienne, de cette insolence de beauté qui fait rentrer sous terre les impertinents, qui foudroie les orgueilleux et transforme en cerf les Actéons. Bien que le marquis fût d’une politesse irréprochable et empressée, bien qu’il sollicitât presque humblement sa bienveillance et ses regards, elle tenait ferme, elle ne désarmait pas. Pour Horace, il écoutait tout d’un air satisfait ; il trouvait que