Page:Chevrier - Le Colporteur, éd. Van Bever, 1914.djvu/26

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LE COLPORTEUR

libre, et un État neutre (1), et qui peut s’exprimer tout haut, parce qu’il n’est plus obligé d’adopter la façon de penser du Gouvernement dans lequel il écrivoit, je dirai que le Prince qui résiste depuis cinq ans à la France, à l’Autriche, à la Russie, à la Suède, à la Saxe et à l’Empire, réunis contre lui, est le Héros du Siècle, et que ce Grand Roi (2) mettra le sceau à sa gloire immortelle, s’il parvient à terminer cette Campagne par éviter une Bataille, ou par la gagner. Tandis que, tranquille dans mon Cabinet, je demanderai au Ciel la Paix dont toutes les Puissances ont besoin, je m’appliquerai à déclarer une guerre ouverte aux vices, aux ridicules et aux mauvais ouvrages, en observant de ne parler des Mœurs que de ceux qui sont connus pour n’en avoir plus.

L’Ouvrage que je soumets à l’examen du Public, est écrit avec une vérité hardie que les Auteurs devroient toujours employer, quand ils démasquent les Sots ou les Méchants :

Bien fou qui là-dessus contraindroit ses désirs, Les sots sont ici-bas pour nos menus plaisirs.

J’ai nommé beaucoup de Monde dans le Colporteur, et j’ai suivi en cela l’exemple des Satyriques Romains et François. Si je n’ai pas leurs talents, je les vaux au moins par mon attachement à la vérité, et par mon amour pour la vertu. Mais j’ai eu le soin honnête de ne désigner en mal que des personnes affichées par leur mauvaise conduite, ou par l’avilissement de leur État ; ceux dont les noms exigent des ménagements, y portent des titres masqués ; mais si je suis parvenu à les peindre d’après nature, le Public les reconnoîtra, et me lavant


(1) La Hollande, où Chevrier se retira et mourut. (2) Frédéric II, roi de Prusse.