Page:Choderlos de Laclos - Les Liaisons dangereuses, 1869, Tome 2.djvu/233

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à tous nos mouvements : tout à tour elle s’anime, elle jouit, elle se repose…… Tes sentiments me sont tous si précieux ! me priveras-tu d’un moyen de les recueillir ?

Es-tu donc sûre que le besoin de m’écrire ne te tourmentera jamais ? Si dans la solitude, ton cœur se dilate ou s’oppresse, si un mouvement de joie passe jusqu’à ton âme, si une tristesse involontaire vient la troubler un moment, ce ne sera donc pas dans le sein de ton ami, que tu répandras ton bonheur ou ta peine ? tu auras donc un sentiment qu’il ne partagera pas ? tu le laisseras donc, rêveur & solitaire, s’égarer loin de toi ?… Mon amie…… ma tendre amie ! Mais c’est à toi qu’il appartient de prononcer. J’ai voulu discuter seulement, & non pas te séduire ; je ne t’ai dit que des raisons, j’ose croire que j’eusse été plus fort par des prières. Je tâcherai donc, si tu persistes, de ne pas m’affliger ; je ferai mes efforts pour me dire ce que tu m’aurais écrit ; mais tiens, tu le dirais mieux que moi ; j’aurais surtout plus de plaisir à l’entendre.

Adieu, ma charmante amie ; l’heure approche enfin où je pourrai te voir : je te quitte bien vite, pour t’aller retrouver plus tôt.

Paris, ce 5 décembre 17…