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L’ŒIL DU PHARE

leçons, que la plus belle chose dans la vie de l’homme, ici-bas, après l’amour de Dieu, c’est l’amour de la patrie qui est l’amour des siens. »

Si Jean pouvait s’en expliquer, il lui dirait peut-être que son tourment s’entretient et s’active précisément de l’amour des siens, dans ces lieux consacrés par leur deuil et leur misère. Est-ce pour avoir cru un instant qu’il pourrait honorer leur mémoire dans le travail de la glèbe canadienne et la prospérité, pour avoir vu une humiliante déception confondre ses espérances au début de sa vie, qu’il voudra quand même perpétuer son abjection dans l’amour des siens ainsi entendu ?

Puisque Jean ne peut traduire ses sentiments, en faire part à son précepteur dans des raisonnements et des récriminations que lui interdisent son âge, sa condition et ses moyens intellectuels, si le vieux prêtre, longuement exercé à l’étude des âmes, veut bien s’y prêter, il découvrira de lui-même dans l’esprit de son protégé trois impressions très profondes ; un irrépressible dégoût