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LOIN DE LA TERRE NATALE

avons dépassée, la Grosse-Île de Saint-Germain, en ligne droite, et les Pèlerins, en aval. »

Jean se dit que si son œil pouvait percer les ténèbres comme le fait son cœur, il verrait en ce moment, là-bas, au ras du rivage, une pauvre maisonnette aux pignons rouges, une église à demi-masquée par les arbres d’un cimetière, et que tout au fond des eaux qui gémissent sous son passage, les restes de son père sont là privés d’une sépulture chrétienne.

Cette lumière de Saint-Germain qui vacille et fuit déjà dans le lointain, n’est-ce pas l’âme de son père, l’âme des ancêtres, l’âme de la patrie canadienne qui s’émeut de sa désertion dans ce vaisseau ravisseur ? Ce vaisseau-là, pourtant, c’est une partie de la vieille patrie française d’autrefois, celle qu’ont aimée les ancêtres, chère mère-grand, toujours chérie, mais dont l’imprévoyance a fait qu’elle n’est plus pour nous la patrie !

Cette lumière, ne serait-ce pas la légende familiale qui, à chaque génération, s’anime