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CHRONIQUE

envoya aux gens de Bruges une solennelle députation pour les prier de mettre le comte en liberté, mais les envoyés s’en retournèrent sans avoir réussi.

Vers la Madeleine, et pendant tout le temps de l’été qui précéda et suivit cette fête, il y eut une très-grande sécheresse, en sorte qu’il plut à peine dans l’espace de quatre lunes, et qu’en rassemblant les pluies qui tombèrent pendant ce temps, et en comptant comme si elles étaient tombées de suite, on peut les estimer à des pluies de deux jours. Quoique la chaleur fût excessive, il n’y eut cependant pas d’éclairs, de tonnerre, ni d’orage, d’où il arriva que les fruits furent en petite quantité, mais que le vin fut meilleur qu’à l’ordinaire. L’hiver suivant il y eut de très-grands froids, en sorte que dans un court espace de temps la Seine gela deux fois avec tant de solidité que des hommes chargés passaient dessus, et qu’on y traînait des tonneaux pleins. L’épaisseur des glaçons est attestée par les deux ponts de bois de Paris que la débâcle rompit.

Vers le même temps, une si grave maladie attaqua Charles, comte de Valois, que la moitié de son corps était privé de l’usage de ses membres. Comme les souffrances ouvrent l’intelligence, on croit fermement qu’elles rappelèrent à sa conscience le supplice d’Enguerrand, qu’il avait fait pendre, ainsi que nous l’avons dit. On peut en juger d’après ce fait. Comme sa maladie augmentait de jour eu jour, il fut fait aux pauvres de Paris une distribution générale d’argent, et à chaque denier que donnaient à chaque pauvre ceux qui distribuaient cet argent, ils disaient : « Priez pour le seigneur Enguerrand et pour le seigneur Char-