Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 2, 1864.djvu/256

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ce qui est matériellement écrit, tombera dans de nombreuses erreurs. L’Écriture dit que Dieu a des ailes, comme le témoigne le Prophète : Protégez-moi à l’ombre de vos ailes. (Psa. 16, 8) Nous n’en conclurons pas que cette essence spirituelle et immortelle a des ailes. Si cela ne peut se dire des hommes, encore moins de cette nature pure, invisible, incompréhensible. Que signifient donc pour nous les ailes ? le secours, la sécurité, la protection, la défense, un asile inviolable. L’Écriture dit encore que Dieu dort : Levez-vous, pourquoi dormez-vous, Seigneur. (Psa. 43, 23) Nous ne pouvons pas dire que Dieu dort : ce serait le comble de la folie. Mais ce mot dormir nous montre sa patience et sa longanimité. Un autre prophète dit : Serez-vous comme un homme endormi ? (Jer. 14, 9)
Vous le voyez, il nous faut beaucoup de prudence pour scruter l’Écriture. En prenant les mots dans leur sens propre et strict, il en résulterait une foule d’absurdités et de contradictions. L’un dit que Dieu dort, l’autre qu’il ne dort pas ; et tous deux disent vrai, si vous les entendez convenablement. En disant qu’il dort, l’un montre la grandeur de sa patience ; en disant qu’il ne dort pas, l’autre nous révèle son essence pure et incorruptible. Ayons donc beaucoup de prudence et pesons bien ces paroles : Ce n’est point à moi à vous le donner ; cet honneur est pour ceux à qui le Père l’a préparé. Ce texte n’ôte rien à Jésus-Christ de sa puissance, ne diminue pas son autorité, mais il nous montre sa sollicitude, sa sagesse, sa providence pour le genre humain. Qu’il ait le pouvoir de châtier ou de récompenser, écoutez ce qu’il dit : Lorsque le Fils de l’homme viendra dans la gloire de son Père, il mettra les brebis à sa droite, et les boucs à sa gauche, et il dira à ceux qui seront à sa droite : Venez les bénis de mon Père, possédez le royaume qui vous a été préparé dès le commencement du monde. Car j’ai eu faim et vous m’avez donné à manger ; j’ai eu soif et vous m’avez donné à boire. A ceux qui seront à sa gauche il dira : Retirez-vous de moi, maudits, allez au feu éternel qui a été préparé pour le diable et pour ses anges. Car j’ai eu faim et vous ne m’avez pas donné à manger ; j’ai eu soif et vous ne m’avez pas donné à boire ; j’étais étranger et vous ne m’avez pas recueilli. (Mat. 25, 31 et suiv) Voyez-vous comment il juge avec autorité, comment il honore ou châtie, couronne ou punit, comment il introduit les uns dans le royaume céleste, et précipite les autres en enfer ?
2. Admirez ici sa sollicitude pour nous. En s’adressant aux élus il dit : Venez les bénis de mon Père, possédez le royaume qui vous a été préparé dès le commencement du monde. Aux damnés il ne dit pas : Retirez-vous de moi, maudits, allez au feu qui vous a été préparé ; mais qui a été préparé pour le diable. J’ai préparé le royaume pour les hommes, dit-il ; l’enfer, au contraire, je l’ai préparé, non pour les hommes, mais pour le démon et ses anges ; si vous menez une vie telle que vous méritiez d’être damnés, vous pourrez vous l’imputer justement. Voyez quelle touchante bonté ! Les athlètes n’existent pas encore ; les couronnes et les récompenses sont déjà prêtes. Possédez, dit-il, le royaume qui vous a été préparé dès le commencement du monde. Même instruction à recueillir de la parabole des dix vierges. À l’arrivée de l’Époux, les folles disent aux sages : Donnez-nous de votre huile. (Id. 8). Les autres répondent : Nous craignons qu’il n’y en ait pas assez pour vous et pour nous. L’Écriture n’entend pas parler d’huile et de feu, mais de la virginité et de la bonté. Le feu est le symbole de la virginité ; l’huile celui de l’aumône. Ce passage signifie que la virginité doit être accompagnée de charité ; sans quoi le salut des vierges est incertain ; mais qui sont ces vendeurs d’huile ? Qui, sinon les pauvres ? Ils donnent plutôt qu’ils ne reçoivent. Regardez donc l’aumône non comme une perte, mais comme un gain, non comme une dépense, mais comme un prêt avantageux. Vous recevez plus que vous ne donnez. Vous donnez du pain, et vous recevez la vie éternelle ; vous donnez un habit, et vous recevez un vêtement d’immortalité ; vous donnez un abri sous votre toit, et vous recevez le royaume des cieux ; vous distribuez des richesses périssables, et vous recueillez des biens éternels.
Je suis pauvre, dites-vous, comment faire l’aumône ? C’est surtout dans la pauvreté que vous pouvez faire l’aumône. Le riche enivré par l’abondance de ses biens, en proie à une fièvre ardente, tourmenté d’une avarice insatiable, brûle d’augmenter sa fortune ; le pauvre, délivré de toutes ces maladies, donne plus facilement de ce qu’il a. C’est d’après la pureté d’intention et non d’après les biens donnés crue se mesure l’aumône. La veuve de l’Évangile