Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 2, 1864.djvu/473

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vous le plus ambitieux des hommes, vous ne souhaitez pas, j’imagine, d’avoir un lit plus convenable que celui d’un roi ; et je ne parle pas du premier roi venu, je parle du plus grand et du plus royal de tous les rois, de celui qui, jusqu’à ce jour, est célébré par tout l’univers : regardez, voici le lit de David. Quel est-il ? Ce n’est ni l’argent ni l’or, ce sont les larmes et la confession des péchés qui en font toute la beauté ; il le déclare lui-même en ces termes : Je baignerai chaque nuit ma couche, j’arroserai mon lit de mes larmes. (Ps. 6, 7) Les larmes y brillent partout en guise de perles.
8. Considérez-moi cette âme qui aimait Dieu. Les mille soucis que causent le gouvernement, les princes, les généraux, le peuple, les nations étrangères, la guerre, la paix, les affaires civiles et domestiques, celles du dehors et celles du dedans l’assiégeaient et la poursuivaient pendant le jour ; mais, ce repos de la nuit que tous consacrent au sommeil, elle l’employait à la confession, à la prière, aux larmes. Et cela, David le faisait non pas une nuit pour se reposer la suivante, non pas deux ou trois nuits pour cesser ensuite ; il le faisait chaque nuit : Chaque nuit, dit-il, je baignerai ma couche et j’arroserai mon lit de mes larmes. Par ces mots, il marque la perpétuité aussi bien que l’abondance de ses larmes. Pendant que tout est immobile et silencieux, lui seul se présente devant le Seigneur : ses yeux ne connaissent plus le sommeil ; il gémit, il pleure, il accuse ses péchés. Voilà le lit que vous devez, vous aussi, vous préparer. Un lit qui n’a d’autre ornement que les incrustations d’argent, ne fait qu’irriter l’envieuse convoitise des hommes en même temps qu’il enflamme la colère divine.
Du reste, des larmes telles que furent celles de David savent éteindre même le feu de la géhenne. – Voulez-vous que je vous montre un autre lit ? Voyez celui de Jacob ! Il n’eut sous son corps que la terre nue, et sous sa tête qu’une pierre ; mais aussi il découvrit dans sa vision cette pierre spirituelle qui est le Christ, cette échelle mystérieuse sur laquelle les anges montent et descendent. Ayons souci de nous disposer une couche de ce genre si nous voulons jouir des mêmes visions. Dormir sur un lit tout d’argent, ce n’est pas se procurer un plaisir, c’est plutôt s’attirer les troubles de la conscience. Lorsqu’il vous vient en pensée, au milieu d’une nuit profonde et glaciale, que, au moment où vous reposez mollement sur votre couche, un pauvre est couché sous le portique de quelque bain public, qu’il étend ses membres sur une poignée de paille, qu’il les recouvre de quelques sarments, qu’il grelotte, qu’il est roide de froid, qu’il souffre les angoisses de la faim, fussiez-vous de pierre, je doute que, à cette idée, vous puissiez vous pardonner à vous-même de jouir d’un si large superflu pendant que vous laissez ce malheureux manquer du strict nécessaire ! Un soldat, dit-on, ne s’embarrasse pas dans les affaires temporelles ; eh bien ! vous êtes soldat de la milice spirituelle ; un soldat de ce genre ne va pas dormir sur un lit d’ivoire, mais sur la terre nue ; il ne se frotte pas de parfums précieux ; il laisse ce soin aux habitués de mauvais lieux, aux gens perdus de mœurs, aux comédiens, à ceux qui vivent dans une lâche mollesse. C’est le parfum de la vertu que vous devez exhaler, non pas celui des onguents. Rien n’est plus immonde qu’une âme dont le corps répand de telles odeurs : un corps et des vêtements parfumés sont les indices révélateurs d’une âme impure et infecte.
Le démon, après avoir attaqué une âme, après l’avoir énervée dans la volupté et remplie de lâcheté, répand jusque sur le corps les souillures de sa corruption, je veux dire les odeurs et les parfums. Les gens qui sont atteints de la pituite ou du catarrhe couvrent de leurs immondices leurs habits, leurs mains et leurs visages, parce qu’ils sont obligés d’essuyer continuellement ce flux qui coule de leur nez ; de même l’âme corrompue répand sur son corps le flux de sa corruption intérieure. Qu’attendre de généreux et d’utile d’un homme qui sent la parfumerie, qui se gouverne en femme ou plutôt en courtisane, qui mène la vie des danseuses de théâtres ? Que votre âme répande ce parfum spirituel qui sera pour vous et pour ceux qui vivent avec vous d’une suprême utilité.
Rien, non rien n’est plus funeste que la vie de délices. Écoutez ce qu’en a dit Moïse : Le peuple bien-aimé s’est engraissé, s’est épaissi, a pris de l’embonpoint, et il a regimbé. (Deut. 32, 15) Moïse dit, non il s’est éloigné, mais il a regimbé ; par cette expression il marque le caractère rétif des Juifs. Et dans un autre endroit : Quand vous aurez mangé et bu, dit-il, prenez garde à vous, de peur d’oublier le