Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 2, 1864.djvu/483

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Je vous sais bien plus de gré de ce silence que de tous vos applaudissements.
Les applaudissements et les louanges me donneraient peut-être plus de célébrité ; mais ce silence vous rend plus modestes. Les choses que je dis sont attristantes, je le sais ; mais leur utilité est grande, au-dessus de toute expression. Si le riche dont nous parlons avait eu quelqu’un pour lui faire de semblables exhortations, au lieu des flatteurs qui ne donnent conseil que pour se mettre en faveur et qui entraînent aux jouissances sensuelles, il ne serait pas venu dans cet enfer où je vous l’ai montré, il ne subirait pas d’intolérables tourments, il ne serait pas inconsolable dans ses regrets ; en lui parlant tous de manière à gagner ses bonnes grâces, les adulateurs l’ont livré aux flammes. Ah ! plût à Dieu que l’on pût toujours traiter de ces vérités et parler continuellement de l’enfer ! Dans toutes vos paroles, dit l’Écriture, souvenez-vous de vos fins dernières, et vous ne pécherez jamais. (Sir. 7, 40) Et ailleurs : Préparez vos œuvres pour le départ, et soyez prêts à vous mettre en route. (Pro. 24, 27) Si vous avez dérobé quelque chose, restituez, et dites avec Zachée : Je rends au quadruple ce que j’ai dérobé. (Luc. 19, 8) Si vous avez calomnié, si vous vous êtes fait les ennemis de quelqu’un, réconciliez-vous avant d’arriver devant votre juge. Débarrassez-vous de toutes vos entraves en ce monde, afin que, libres de mauvaises affaires, vous puissiez là-bas regarder en face le tribunal suprême.
Tant que nous sommes en ce monde, nous avons de belles espérances : lorsque nous en serons sortis, il ne sera plus en notre pouvoir de nous repentir ni de nous purifier de nos péchés. Il faut donc toujours être prêt au départ. Qu’arriverait-il s’il plaisait au Maître de nous appeler ce soir ou demain ? L’avenir nous est caché, afin que nous nous tenions constamment sous les armes et prêts à partir, à l’exemple de notre Lazare, dont la patience et la résignation étaient continuelles, et qui, pour cette raison ; fut emmené avec tant de gloire.
Le riche lui aussi mourut, et il fut enseveli, ou plutôt il l’avait toujours été, car son âme était demeurée enfouie dans son corps comme dans un tombeau et enveloppée de sa chair comme d’un sépulcre. Enchaîné par l’ivrognerie et la bonne chère, comme par un lien de fer, il l’avait réduite à l’oisiveté et à l’état de cadavre. Ne passez pas trop vite, mon cher frère, sur cette parole : Il fut enseveli. Considérez-moi ces tables recouvertes d’argent, ces lits, ces tapisseries, ces ornements et tout ce qu’il y a dans la maison ; les parfums, les aromates, l’abondance de bon vin, les mets si friands et si variés, les cuisiniers, les flatteurs, les gardes, les domestiques, toute cette pompe enfin : la voilà qui disparaît et s’évanouit. Tout n’est plus que cendre et poussière, que pleurs et lamentations ; personne ne peut désormais secourir ni ramener cette âme qui s’en va. On put voir alors quelle est l’impuissance de l’or et des grands biens. Ce riche avait une suite nombreuse de serviteurs, et il fut emmené complètement dépouillé et absolument seul ; de toute son opulence il ne put emporter la moindre chose ; il fut emmené délaissé de tous et sans défenseur. Aucun de ceux qui le servaient, aucun de ceux qui volaient autrefois à son secours, n’était présent pour l’arracher aux supplices et aux châtiments ; brusquement séparé de tous les siens, il fut pris seul pour subir d’intolérables tourments. Oui, vraiment : Toute chair est comme l’herbe, et toute la gloire de l’homme est comme la fleur de l’herbe : l’herbe sèche et la fleur tombe ; mais la parole du Seigneur demeure éternellement. (Isa. 40, 8) La mort est venue, et elle atout éteint ; elle l’a saisi comme un captif et l’a emmené baissant les yeux, couvert de ; honte, n’osant parler, frissonnant de crainte, comme s’il n’avait joui qu’en rêve de toutes ses délices passées. Bien plus, le riche implore le secours du pauvre ; et il désire partager la table de cet affamé d’autrefois qui gisait exposé à la dent des chiens. Les choses avaient bien changé ; et tout le monde put reconnaître lequel des deux était pauvre et lequel était riche, et que Lazare était le plus opulent, et le riche le plus indigent de tous. Sur la scène nous voyons des acteurs prendre le rôle de rois et de généraux, de médecins et de rhéteurs, de sophistes et de soldats, quoiqu’ils ne soient rien de tout cela. Eh bien ! dans la vie présente la pauvreté et l’opulence ne sont également que des masques de théâtre. Si vous assistez à un spectacle, et si vous voyez un acteur jouer le rôle de roi, vous ne le regardez pas comme heureux-, vous ne croyez pas qu’il soit roi, vous ne souhaitez pas de devenir ce qu’il est. Mais sachant que c’est un de ces hommes qui n’ont d’autre domicile que la place publique, un cordier, peut-