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Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 2, 1864.djvu/499

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que tel ou tel peut posséder les avantages de ce monde et ceux de l’autre vie. Cela est impossible aux riches qui vivent en pécheurs ; si l’on pouvait appliquer cette observation à quelqu’un, ce serait à ceux qui sont affligés ici-bas et dont l’existence se passe à souffrir ; ils auront là-haut, la possession de la récompense gagnée ; ici, l’attente des biens futurs qui nourrit leur espérance et les empêche de sentir les misères du temps présent. Écoutons encore le reste de notre parabole. En outre un immense abîme s’ouvre entre vous et nous. (Luc. 16, 26) C’est à juste titre que David a dit : Le frère même ne rachète pas ; il ne fournira pas à Dieu l’expiation nécessaire. (Ps. 48, 8) Cela n’est pas possible ; fût-ce un frère, fût-ce un père, fût-ce un enfant qui s’offrît. Voyez en effet ! Abraham donne au riche le nom de fils, mais il n’a pas le pouvoir de se montrer père ; et le riche appelle Abraham son père, mais il ne put recevoir une marque de cette bienveillance qu’un père conserve toujours pour son fils : reconnaissez donc que ni parenté, ni amitié, ni dévouement, ni rien de ce qui existe ne peut prêter secours à celui qui est livré par sa propre vie à la vengeance éternelle.
10. Je dis cela, parce que souvent, après vous avoir prêché la sollicitude et la vigilance sur votre salut, je vois plusieurs d’entre vous mépriser mes avertissements et les tourner en ridicule. – C’est vous, dit l’un, qui m’assisterez en ce jour solennel aussi j’ai confiance, je ne crains rien. – J’ai un martyr pour père, dit un autre. – Mon grand-père était évêque, dit un troisième. – Et d’autres enfin mettent toute leur famille en avant. Sottes paroles ! La vertu d’autrui ne vous servira de rien. Souvenez-vous de ces vierges qui ont refusé de partager leur huile avec cinq de leurs compagnes : les premières sont entrées dans la chambre nuptiale, les dernières en furent exclues. Votre grande ressource est de placer toutes vos espérances dans vos bonnes œuvres personnelles. Dans l’autre monde nul ami ne vous viendra en aide. Si le Seigneur a dit en ce monde à Jérémie : Ne me prie pas pour ce peuple (Jer. 7, 16), en ce monde où il est en notre pouvoir de changer de vie, combien plus le dira-t-il dans l’éternité ? Que me dites-vous là ? Vous avez un martyr pour père ! Mais voilà précisément ce qui aggrave votre condamnation, puisque, ayant dans votre propre famille un modèle de vertu, vous vous montrez néanmoins indigne de vos ancêtres. – Cependant vous avez un brave et généreux ami : lui aussi vous fera défaut. Voici ce que dit l’Évangile : Faites-vous des amis avec vos richesses d’iniquité, afin que, une fois morts, vous puissiez être admis dans les demeures éternelles. (Luc. 16, 9) Ce n’est donc pas l’amitié qui vous prêtera secours, c’est l’aumône. Si l’amitié suffisait à vous aider, l’Évangile aurait dit seulement : « Faites-vous des amis ; » mais, pour vous montrer qu’elle ne peut rien toute seule, il ajoute : a Avec vos richesses d’iniquité. » – Mais, dira-t-on peut-être, on peut se faire des amis sans l’argent et même de meilleurs qu’avec de l’argent. – Et bien ! pour vous faire comprendre que votre ressource est dans l’aumône, dans vos bonnes œuvres personnelles, l’Évangile vous dira de mettre votre confiance, non pas dans l’amitié des saints, mais dans l’amitié que vous gagnerez par votre argent.
En conséquence, mes bien chers frères, dirigeons sur nous-mêmes notre attention la plus diligente ; et, si nous sommes affligés, bénissons Dieu ; si nous jouissons d’une existence prospère, tenons-nous sur nos gardes, corrigeons-nous à la vue des punitions infligées à autrui, rendons gloire à Dieu par la pénitence, par la componction, par la confession incessante de nos péchés ; si nous avons failli en cette vie, déposons le fardeau de nos péchés, effaçons toutes les souillures de notre âme et supplions Dieu que, après nous avoir tous délivrés de notre captivité d’ici-bas, il daigne nous amener au ciel, et nous faire participer, non pas au sort du riche, mais à celui de Lazare, dans le sein d’Abraham où nous jouirons des biens immortels. Puissions-nous tous obtenir cette faveur par la grâce et la bonté de Notre-Seigneur Jésus-Christ auquel soient, avec le Père et l’Esprit-Saint, honneur et gloire dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.
Les cinq Homélies précédentes ont été traduites par M. A. SONNOIS, curé de Jouey,