Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 2, 1864.djvu/503

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mort n’est qu’un esclave, au lieu que les paroles de l’Écriture sont les oracles du Maître ; en sorte que quand un mort ressusciterait, quand un ange descendrait du ciel, tout ce qu’ils pourraient nous dire ne serait pas aussi authentique que les Écritures, qui nous ont été données par le Seigneur des anges, par le souverain Arbitre des morts et des vivants.
Au reste, on peut prouver encore par les tribunaux de ce monde, que ceux qui demandent que les morts reviennent, demandent une chose inutile. Quoique les fidèles voient l’enfer des yeux de la foi, il n’est pas visible pour les incrédules. Les tribunaux sont visibles, et nous entendons dire tous les jours qu’un tel a été traîné au supplice, que les biens d’un tel ont été confisqués, qu’un autre a été condamné à travailler aux mines, un autre à périr dans les flammes, qu’un autre a subi un autre genre de peine ; cependant les fourbes, les méchants et les malfaiteurs qui entendent parler de ces condamnations, ne se corrigent pas. Et que parlé-je de ceux qui ne sont jamais tombés entre les mains de la justice ? souvent même des hommes qui ont été pris, qui ont échappé à la peine, qui se sont enfuis en perçant la prison, se sont livrés aux mêmes excès, ou même ont enchéri sur leurs anciens crimes. Ne cherchons donc pas à entendre de la bouche des morts ce que les saintes Écritures nous apprennent tous les jours plus clairement.
Si Dieu avait su que les morts ressuscités pourraient être utiles aux vivants, lui qui a tout fait pour l’avantage de l’homme, lui aurait-il fermé cette voie d’instruction ? aurait-il négligé ce moyen, s’il avait pu lui être d’une grande utilité ? Ajoutons que si des morts eussent dû ressusciter sans cesse, et nous rapporter ce qui se passe dans un autre monde, ces résurrections avec le temps auraient fini par être méprisées. Enfin le démon aurait eu beaucoup plus de facilité pour introduire ses dogmes pervers. Il aurait pu souvent faire paraître des fantômes, ou même, faisant agir des imposteurs qui se seraient fait passer pour des morts ressuscités, il eût, par leur moyen, fait croire aux esprits abusés tout ce qu’il aurait voulu. Car si maintenant, que rien de pareil n’existe, les images des morts représentées en songe ont trompé plusieurs personnes et causé leur perte, que n’eût pas fait le démon ; si t’eût été une vérité certaine et reconnue parmi les hommes, que plusieurs morts reviennent à la vie, quelles ruses le démon, cet esprit méchant et impur, n’aurait-il pas employées pour répandre ses erreurs dans le monde ? C’est pourquoi Dieu a fermé les portes au mensonge et ne permet qu’aucun des morts revienne à la vie pour annoncer ce qui se passe dans un autre monde, de peur que le démon ne prenne de là sujet de dresser toutes ses machinations ; le démon, dis-je, qui suscita de faux prophètes, lorsqu’il y avait des prophètes ; de faux apôtres, lorsqu’il y avait des apôtres ; de faux christs, lorsque le Christ parut ; qui enfin, lorsqu’on prêchait une saine doctrine, cherchait à introduire une doctrine perverse, et semait partout l’ivraie. Si donc l’apparition des morts eût eu lieu, le démon eût essayé de la contrefaire par les moyens qui lui sont propres, non en ressuscitant véritablement les morts, mais en trompant les yeux par des illusions et par des prestiges ; ou même il eût tout confondu et tout bouleversé en faisant agir, comme je l’ai déjà dit, des imposteurs (lui se seraient fait passer pour morts. Mais Dieu qui prévoyait ces désordres, et qui voulait nous apprendre à regarder les divines Écritures comme plus certaines que tout le reste, Dieu a fermé toute voie aux artifices du démon, et, par attention pour nous, il n’a permis à aucun des morts de revenir parmi les vivants leur parler de ce qui se passe dans un autre monde. N’a-t-il pas fait éclater à nos yeux des prodiges beaucoup plus frappants que l’apparition des morts ? Il a converti toute la terre, dissipé partout l’erreur, ramené la vérité, opéré ces grandes révolutions par le ministère de simples pêcheurs, d’hommes sans crédit et sans lettres ; il nous a donné partout des preuves évidentes d’une bonté attentive. Ne pensons donc pas que tout se termine avec la vie, mais croyons que nous serons jugés après notre mort, récompensés ou punis de ce que nous aurons fait de bien ou de mal sur la terre.
C’est une vérité si manifeste et si généralement connue, que les Juifs, les Grecs, les hérétiques, enfin tous les hommes sont d’accord sur ce point essentiel. Et si tous ne raisonnent pas juste sur la résurrection, tous du moins s’accordent et se rapprochent sur l’existence d’un jugement au sortir de cette vie, d’un tribunal qui distribue des récompenses et des peines pour les bonnes et les mauvaises actions. Si cela n’était pas, pourquoi Dieu aurait-il fait rouler les cieux sur nos têtes, pourquoi aurait-il affermi la terre sous nos pieds, l’aurait-il environnée de la mer, enveloppée de